SITUATION ACTUELLE EN EUROPE

Edito du 07.03.2022

La guerre est en Europe. Rarement depuis 1945 nous ne l’avions connue aussi menaçante. Notre continent a été témoin en effet de bien des conflits ces dernières décennies, mais celle-ci se différencie tout-de-même de par son ampleur et ses conséquences potentiellement extrêmement néfastes, tant sur un plan humain et social que sur un plan géopolitique. L’Ukraine est le deuxième pays d’Europe par sa taille (603.000 km2) et compte près de 45 millions d’habitants. Autrefois baptisée le « grenier à blé » de l’Europe et parée d’une solide industrie charbonnière et métallurgique, l’Ukraine a aujourd’hui un autre visage. La guerre interne et les tensions entre séparatistes pro-russes et Ukrainiens de l’Ouest depuis des années ont mis à plat les infrastructures et l’économie à l’Est du pays, ce qui a provoqué une crise durable dans tout le pays, avec un PIB divisé par deux depuis 2014…

Pourtant, culturellement, l’Ukraine peut être fière de sa richesse, puisant dans 1200 ans d’histoire. Si l’Empire soviétique instaura la République Socialiste Soviétique d’Ukraine en 1922, comme une entité à part entière au sein de l’URSS, c’est parce que la « question ukrainienne » était une réalité, même pour Lénine. 100 ans plus tard, cette réalité est toujours présente. Puissent les voix s’élever pour appeler à la paix et à la raison.

Comme souvent, tout n’est pas blanc ou noir. On assiste en effet à des narratifs contradictoires laissant la part belle à la manipulation de l’information. Ce qui est sûr, c’est que ce conflit changera le paysage géopolitique de l’Europe et même du monde sur du long terme ; les grandes puissances se positionnent. Le poids du scénario nucléaire est tangible. Les économies sont et seront lourdement impactées, sans parler du désastre humanitaire des deux côtés des belligérants. Puisse la haine ne pas l’emporter sur le pardon.

Sur un plan économique et financier : les conséquences de ce terrible conflit au plan économique sont déjà très fortes sur la vie de millions de gens. Les marchés financiers, après un mouvement de panique (cf. l’analyse d’Eric Behaghel ci-dessous) connaissent de violents soubresauts. Les sanctions économiques infligées à la Russie n’y sont pas étrangères. L’envolée des prix des matières premières dicte la tendance. Le 3 mars dernier, le pétrole (ici le brut léger américain) prend quant à lui 2,67% à 113,55 dollars après un pic à 116,57, du jamais vu depuis 2008. La hausse des prix continue sur les autres marchés de matières premières agricoles et industrielles : le charbon, l’aluminium et l’huile de palme ont tous inscrits des records, le prix du blé américain sur le marché à terme, au plus haut depuis 14 ans, affiche un bond impressionnant. N’oublions pas que la Russie et l’Ukraine ont représenté près de 30% des exportations mondiales de blé ces dernières années… Rappelons cependant que, hormis le conflit actuel en Ukraine, les fondamentaux sont bons : résultats des entreprises, indicateurs d’activité, création d’emplois et épargne des ménages. En ce qui concerne le « client » Russie, il n’y a pas vraiment de problème pour l’instant : les échanges avec ce pays représentent 3% du PIB Européen et 0,1% du PIB des Etats-Unis. En revanche, en tant que fournisseur de gaz, la Russie est un point plus sensible pour l’Europe, même si ces ventes constituent une part non négligeable des ressources du pays. La sécurisation de l’approvisionnement en énergie sera un enjeu important pour les semaines et mois à venir.

Après deux ans de fortes hausses sur les marchés, nous voici à nouveau face à de grandes incertitudes sur les marchés. L’Homme en a vécu d’autres. L’horizon de temps est fondamental. La diversification, tant sectorielle que géographique l’est tout autant. Et puis, on ne peut qu’encourager de continuer la recherche de placements investissant dans l’économie réelle pour éviter les phénomènes de bulle. Les entreprises reflétant un comportement vertueux dans les domaines de leur gouvernance et de leurs relations avec leurs parties prenantes, ne peuvent que contribuer sur du long terme au Bien Commun et donc à la paix dans le monde.

Archiduc Imre de Habsbourg-Lorraine

Analyse économique 

En parallèle du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine qui est dans sa deuxième semaine et dont nous sommes en union de prière avec toutes les victimes, une « guerre économique » s’est ouverte, que nous allons brièvement décrire avant d’en tirer quelques enseignements. En un temps record, les « alliés » provenant du monde entier (à l’exception notable de la Chine) ont mis sur pied des sanctions économiques sans précédent pour un pays de l’importance de la Russie.

Les principales mesures (interdiction des transactions sur la dette russe, « débranchement » des grandes banques russes du système de paiement SWIFT, gel des réserves en devises de la banque centrale), associées aux initiatives individuelles des entreprises privées (BP, Shell, Apple, Nike, Mercedes trucks, Visa, Mastercard, Ford…), vont avoir un impact majeur sur l’économie russe coupée du reste du monde économiquement et financièrement, ainsi que sur ses habitants.

De fait, la banque centrale va être en difficulté pour continuer de garantir les dépôts des citoyens russes dans les banques, et ceux-ci constituent déjà de longues files d’attente devant leurs banques pour retirer leurs économies. Les taux d’intérêts, passés de 10% à 20%, sont prohibitifs. La chute du rouble, associée au boycott des entreprises ainsi qu’aux difficultés des transports, va entraîner une inflation très importante. La bourse russe est fermée, mais les titres des entreprises russes cotés à Londres se sont effondrés de 80 à 99%.

En Europe, l’Allemagne, qui avait toujours ménagé son partenaire commercial vital, a pris la décision de livrer des armes à l’Ukraine, ce qu’elle n’avait jamais fait depuis la seconde guerre mondiale, et d’augmenter son budget de défense à hauteur de 100 Milliards. L’Union Européenne et l’OTAN se sont remis à parler d’une seule voix.

Pour les pays européens justement, ce conflit résultera en une croissance économique moindre, et en une inflation augmentée par celle des prix des matières premières, à un moment où la politique monétaire des banques centrales est déjà extrêmement laxiste.

Les banques centrales se retrouvent donc devant un dilemme : doivent-elles remonter les taux comme elles l’avaient prévu au risque de ralentir l’économie, ou retarder ces hausses au risque de laisser l’inflation s’installer ?

Cette incertitude s’ajoute à celles qui prévalait déjà au début de l’année et a eu un impact négatif sur les marchés financiers. L’indice principal des actions mondiales, le MSCI World en EUR, a baissé de 7.03%, le CAC 40 de 9.16%, l’indice des obligations émises par des gouvernements avec maturité de 1 à 3 ans a baissé de 0.35%, l’or s’est apprécié de 7.5%, le USD de 2.66%, et le franc suisse de 1.81%.

Sans surprise compte tenu du contexte, les « valeurs refuge » résistent mieux. Tout en constatant que les actions européennes sont « correctement » valorisées si l’environnement économique n’est pas trop affecté par le conflit, il est bien délicat de se livrer à des pronostics tant la situation d’aujourd’hui remet en cause des valeurs et des théories qui semblaient bien étayées.

Eric Behagel

 

Image récupérée sur: https://www.edev-publicite.com/coupes-trophees/#

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